La mise en scène et la dramaturgie des sommets européens a une fois de plus atteint son objectif : valoriser les chefs d'Etats qui ont « sauvé » l'union Européenne. Rappelez-vous, Amsterdam, Nice, l'annonce de la constitution ! L'euphorie de l'instant passée, la réalité finit par s'imposer et, là, l'atterrissage est plus difficile.
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Le Non français a été utile même s'il est loin d'avoir trouvé son prolongement normal dans ce sommet.
Déjà, la directive Bolkestein avait du être revue à la baisse par les libéraux, et là, il a leur a bien fallu tenter de tenir compte, au moins sur la forme, des NON. Ainsi la fameuse formule qui, dans les valeurs de l'Union Européenne, faisait référence à la concurrence libre et non faussée a été supprimée. Ne boudons pas notre plaisir, car ce genre de formules dans des textes fondamentaux aurait été durablement lourde de conséquences ! Pour autant, rien dans les traités ne manifeste la moindre limitation du tout-concurrence dans l'Union. L'essentiel reste à faire.
Il prévoit un protocole sur les services d'intérêt économique général, annexé au traité. Pourtant, le même jour, le conseil européen demandait l'accélération de la libéralisation de tout le courrier, portant un coup dur au service public de la Poste. Que restera-t-il des services publics lorsque sera rédigé ce protocole ? Néanmoins, Il faut tenter d'obtenir un texte ambitieux.
Pour le reste les modifications institutionnelles reprennent beaucoup d'éléments du projet de constitution. Mais le changement de mode de vote à la majorité qualifiée pour ratifier un texte au conseil des ministres n'interviendra qu'en 2014. Si on peut attendre 2014. Pourquoi ne pouvions-nous pas engager d'autres modifications essentielles comme celle concernant le rôle de la BCE, sur le pacte de stabilité, les convergences sociales ? Mais là, rien ne bouge. Bref, sur l'économique tout est figé ; L'Europe libérale va bon train. Et elle va continuer ainsi.
Le traité simplifié ne répond ni aux promesses de Sarkozy, ni aux attentes des français et, moins encore à l'urgence d'une réorientation sociale, économique et monétaire de l'Europe.
Nicolas Sarkozy a, durant la campagne, joué sur une grande ambiguïté lui permettant d'obtenir les voix d'une partie des tenants du NON et des ouvriers. Il a d'un coté annoncé un mini-traité qui ne devait être que technique, approuvé très rapidement sans référendum et de l'autre s'est engagé sur la préférence communautaire et sur une autre politique monétaire pour défendre nos industries ! Nul besoin de dire qu'avec une telle stratégie il a fait mouche. Mais en réalité, en distinguant les étapes, en acceptant immédiatement des modifications institutionnelles (qui ne modifient rien sur le fond des politiques et conservent le statut de la banque centrale, confirment l'absence d'Europe sociale, le vote à l'unanimité pour la fiscalité), et en repoussant aux calendes grecques la prise en compte des réorientations majeures, le président de la République se prive de l'essentiel de son rapport de force, né du Non français. Il aurait dû soit imposer un accord dans le cadre d'un paquet global (selon la formule de J Delors) avec un volet sur les institutions mais aussi des garanties sur la préférence communautaire, le pilotage politique de l'Euro, la lutte contre les délocalisations et le dumping, soit au moins, exiger que soient engagées des discussions, des réflexions communes en vue de décisions ultérieures sur ces points. C'est une méthode assez classique en Europe. Il ne l'a pas fait. Voilà où est la duperie européenne de Sarkozy.
Car, les principaux blocages institutionnels à une réorientation de la construction européenne demeurent.
-aucune émergence d'une Europe sociale. Ces compétences demeurent celles des Etats membres. La chartre des droits fondamentaux est certes introduite (elle avait déjà une certaine valeur juridique si l'on en croit la jurisprudence de la cour européenne) avec une dérogation britannique. Mais il est clairement affirmé qu'elle ne modifie pas les compétences de l'Union et du coup, tout ce qui concerne les salaires et la plupart des standards sociaux en sont exclus. Pourtant organiser leur convergence, vers le haut, est déterminant pour combattre les délocalisations et le dumping social,au sein de l'UE.
- toujours l'unanimité pour la fiscalité, et le rejet systématique du principe de l'harmonisation fiscale.
- aucune réorientation monétaire et modification des missions et pouvoirs de la BCE, pas plus que celle du cadre du pacte de stabilité.
-aucun frein au libre échange généralisé ni en nous protégeant aux frontières de l'Union.
Le non français avait un message d'une profonde réorientation de l'UE et d'émergence d'un Europe sociale. Rien de tout cela n'est pris en compte !
Un nouveau référendum !
Une question est déterminante : Faut-il modifier notre constitution Nationale ?
Avant le référendum, y avaient été introduites les dispositions sur le projet de Constitution Européenne. Après le Non, elles n'avaient pas été abrogées. Alors si ce nouveau traité devait être retenu, il faudrait à nouveau la changer. Certains jugent que cela n'est pas nécessaire car, selon eux, le nouveau traité reprend l'essentiel de la constitution. Si tel est le cas, c'est avouer qu'il s'agit de faire valider par le Parlement ce que le peuple français a refusé par référendum.
S'il s'agit réellement d'un nouveau traité, alors il faut adapter notre constitution à ces nouvelles réalités et donc recueillir une majorité qualifiée au sein des assemblées. Elle n'est en rien acquise pour le Président de la République. Or, tous les candidats, à l'exception de Sarkozy, se sont engagés en faveur d'un nouveau référendum. Ils doivent tenir parole et imposer une modification de la constitution. Le vote des français aux élections législatives n'avait il pas pour but d'éviter que le président et le gouvernement aient les plein pouvoir ? Alors, sur l'Europe il faut donner la parole au peuple.