Le SMIC ne sera augmenté au 1er juillet que de 2.1%, c'est-à-dire la hausse minimale légale correspondant à l'évolution du coût de la vie. Le SMIC passera ainsi de 8.27 euros brut à 8.44 euros par heure, soit 1279 euros mensuels. En salaire net, il atteindrait ainsi la barre des 1 000 euros nets par mois pour 35 heures de travail hebdomadaire.
Entretien avec René Valladon, secrétaire national de Force ouvrière, réalisé par Paule Masson - l'Humanité du 30 Juin 2007.
Le congrès de FO, qui vient de s’achever à Lille, place en tête de ses préoccupations la question du pouvoir d’achat. Comment réagissez-vous au refus du gouvernement d’accorder un coup de pouce au SMIC ?
René Valladon. Nous regrettons cette décision. Un coup de pouce aurait été un signal de la volonté gouvernementale de favoriser le pouvoir d’achat. Cela aurait rendu moins cynique le « travailler plus pour gagner plus ». Nos résolutions de congrès revendiquent l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires. L’habitude qui a été prise d’agir uniquement sur les éléments extérieurs aux salaires, la baisse des prix ou les impôts négatifs, n’est pas très bonne. Ce qui compte, c’est d’agir sur le salaire, à commencer par le SMIC.
Nicolas Sarkozy veut mettre en place une commission des sages. Qu’en pensez-vous ?
Le SMIC doit rester de la responsabilité des pouvoirs publics. FO n’est favorable ni à la négociation réclamée par le MEDEF ni à la mise en place d’une commission des sages. Éclairer le gouvernement, pourquoi pas mais l’État ne doit pas se débarrasser de sa mission d’ordre public qui est de fixer le montant du SMIC. Nous avons aussi demandé que soit avancée de trois mois la date d’annonce de l’augmentation afin qu’ensuite les négociations de branches puissent démarrer et qu’il ne se passe pas six mois pour les salariés avant que leur salaire minimum soit réévalué. Il faudrait d’ailleurs créer des procédures de négociations immédiates pour que les minima de branches soient relevés très rapidement après les décrets portant sur le taux du SMIC.
Pensez-vous qu’il est possible d’augmenter les salaires ?
Là, on touche du doigt les effets pervers des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises jusqu’aux salaires équivalant à 1,6 fois le montant du SMIC. Les patrons ne passent pas cette frontière pour ne pas payer les cotisations plein pot. Nous, nous réclamons des négociations avec les employeurs du privé sur la totalité des grilles conventionnelles, pas seulement sur les minima, pour éviter un tassement vers le bas. Car, en plus des problèmes de bas salaires, qui font qu’un salarié au SMIC peut rentrer dans la catégorie des salariés pauvres, il n’y a plus de déroulement de carrière satisfaisante. Tout est tiré vers le bas.
Comment allez-vous aborder la conférence sociale sur le pouvoir d’achat à la rentrée ?
Nous nous méfions de ces grandes messes à froid avec le gouvernement. La dernière, organisée avec l’ancien premier ministre, Dominique de Villepin a été infructueuse. Il existe une vision faussée chez les politiques qui veulent tout régler avec des « sommets de Grenelle ». Ils oublient un peu trop vite qu’en 68 il y avait des millions de gens dans la rue. Dans le secteur privé, les salaires sont de la responsabilité des employeurs. L’État, lui, intervient pour la fonction publique et nous allons veiller à ce qu’il soit exemplaire. Nous voulons aborder la question salariale aussi par le biais de la protection sociale pour intégrer les éléments annexes du salaire, l’intéressement ou la participation, dans son financement.
Au congrès, Jean-Claude Mailly a appelé les militants à se réapproprier le débat économique et à penser une autre répartition des richesses. Est-ce manière de dire que l’argent existe pour augmenter les salaires ?
Oui mais il s’agit surtout d’un appel à lutter contre la pensée unique. Il n’est pas normal que la rigidité économique ne trouve de flexibilité que dans le social. Le débat économique est pauvre. Les gouvernements s’interdisent de penser des politiques économiques alternatives, pour investir dans la recherche, par exemple. La classe politique attend la croissance comme l’agriculteur attend la pluie alors qu’elle pourrait toucher aux leviers qui créent de la croissance. En France, le pouvoir d’achat en est un.