Alain Hinot, responsable syndical CGT et juriste spécialisé en droit social, est à l'origine du jugement par la Cour d'appel de Paris contre le CNE. Fort de sa victoire, ce cégtiste peu œcuménique fait le procès d'un paysage syndical qu'il estime empêtré dans ses archaïsmes. Marianne.fr , 9 Juillet 2007
La nouvelle est tombée vendredi : la Cour d'appel de Paris désavoue le Contrat nouvelle embauche. S'il n'est pas encore totalement enterré, puisque le jugement de la Cour d'appel doit encore être confirmé en cassation, les jours du CNE sont comptés. Les syndicats crient victoire. Pourtant, à l'origine de la bataille contre ce contrat, on trouve un juriste hors normes, très critique vis à vis des organisations syndicales : Alain Hinot. Syndiqué depuis 32 ans à la CGT, responsable de l'union locale de Chatou, il s'est battu dans les tribunaux plutôt que dans la rue, quitte à se faire désavouer par sa hiérarchie. Il revient, pour Marianne2007.info, sur le combat qu'il a mené pendant deux ans contre le CNE et dénonce les archaïsmes du monde syndical contre lesquels il lutte au quotidien.
Marianne2007.info : Pourquoi vous êtes-vous battu contre le CNE ?
Alain Hinot : Parce que le CNE ne présente que peu d'intérêt pour l'employeur, tout en pénalisant fortement l'employé. Quelqu'un qui est employé sous le régime du CNE peut être licencié n'importe quand pendant deux ans, sans motif. J'ai déposé plainte au nom d'une secrétaire licenciée et j'ai fait valoir au tribunal des Prud'hommes de Longjumeau que ce contrat n'était pas conforme à la disposition de l'Organisation internationale du travail (OIT). L'OIT stipule qu' « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement ». L'article prend en compte la période d'essai d'un contrat, mais il précise que celle-ci doit être d'une durée « raisonnable ». La Cour d'appel a jugé que deux ans de période d'essai, ce n'était pas raisonnable. En réalité, plutôt que de créer perpétuellement de nouveaux contrats comme le CPE ou le CNE, il vaudrait mieux simplifier la législation en vigueur. Je suis moi-même juriste spécialisé en droit social, et je ne saurais vous décrire de façon exhaustive l'ensemble des contrats qui existent. Alors imaginez ce qu'il en est pour un petit patron, qui est déjà noyé sous la paperasse… !
Vous avez fait reculer le CNE en provoquant un litige juridique. Est-ce une nouvelle façon de mener le combat syndical ?
Oui, mais les syndicats ne l'utilisent pas assez et ce qui est regrettable. Quand on commence à dire, comme moi, qu'il faudrait mettre en place plus de structures juridiques pour les salariés, les syndicats vous accusent de promouvoir un « syndicalisme de service ». Il y aurait ainsi une différence entre le syndicalisme de lutte, noble, héritier des grandes traditions, le « vrai syndicalisme », et un syndicalisme plus juridique, modelé sur le syndicalisme allemand ou scandinave, qu'on soupçonne toujours d'être « de droite ». Le problème, aujourd'hui, c'est que les syndicats français ne sont plus capables de mener la lutte de façon traditionnelle. Mais ils ne veulent pas évoluer pour autant, ils sont totalement sclérosés.
Pourtant, c'est bien dans la rue que les syndicats ont fait reculer le CPE…
Si les étudiants ne s'étaient pas mobilisés, les syndicats n'auraient pas bougé. Ils n'ont fait que suivre le mouvement. Le poids syndical français est un mythe : les organisations syndicales ne représentent plus les salariés du privé et elles ne représentent que quelques salariés de la fonction publique. Leur premier but est donc de se pérenniser, de survivre. Attention, je ne veux pas noircir le tableau : ce mythe est utile, il fait peur au gouvernement. Mais je pense que quelqu'un comme Nicolas Sarkozy doit être pleinement conscient de la faiblesse du syndicalisme, beaucoup plus que Chirac par exemple. Il faut donc inventer de nouvelles formes de lutte, comme le combat juridique, pour redevenir efficaces.
Le gouvernement prépare de nombreuses réformes : sur le service minimum, sur le contrat unique… Ne pensez-vous pas que cela pourrait provoquer des mouvements sociaux à la rentrée ?
Il faut dire la vérité : il n'y a, aujourd'hui, aucun débat sur ces réformes au sein des organisations syndicales. Même sur la réforme du droit de grève et l'imposition du service minimum ! Les syndicats savent bien que Nicolas Sarkozy n'a pas été élu que par des gens de droite, ils ne veulent pas le casser d'entrée. Il faudrait vraiment une grosse erreur gouvernementale pour la bête se réveille. Le « contrat unique » que souhaite instaurer le gouvernement peut provoquer une forte mobilisation puisqu'il va toucher tout le monde. Cela donnera peut-être l'occasion aux syndicats de retrouver une nouvelle jeunesse. Mais ce n'est pas certain./.
Marianne2007.info : Pourquoi vous êtes-vous battu contre le CNE ?
Alain Hinot : Parce que le CNE ne présente que peu d'intérêt pour l'employeur, tout en pénalisant fortement l'employé. Quelqu'un qui est employé sous le régime du CNE peut être licencié n'importe quand pendant deux ans, sans motif. J'ai déposé plainte au nom d'une secrétaire licenciée et j'ai fait valoir au tribunal des Prud'hommes de Longjumeau que ce contrat n'était pas conforme à la disposition de l'Organisation internationale du travail (OIT). L'OIT stipule qu' « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement ». L'article prend en compte la période d'essai d'un contrat, mais il précise que celle-ci doit être d'une durée « raisonnable ». La Cour d'appel a jugé que deux ans de période d'essai, ce n'était pas raisonnable. En réalité, plutôt que de créer perpétuellement de nouveaux contrats comme le CPE ou le CNE, il vaudrait mieux simplifier la législation en vigueur. Je suis moi-même juriste spécialisé en droit social, et je ne saurais vous décrire de façon exhaustive l'ensemble des contrats qui existent. Alors imaginez ce qu'il en est pour un petit patron, qui est déjà noyé sous la paperasse… !
Vous avez fait reculer le CNE en provoquant un litige juridique. Est-ce une nouvelle façon de mener le combat syndical ?
Oui, mais les syndicats ne l'utilisent pas assez et ce qui est regrettable. Quand on commence à dire, comme moi, qu'il faudrait mettre en place plus de structures juridiques pour les salariés, les syndicats vous accusent de promouvoir un « syndicalisme de service ». Il y aurait ainsi une différence entre le syndicalisme de lutte, noble, héritier des grandes traditions, le « vrai syndicalisme », et un syndicalisme plus juridique, modelé sur le syndicalisme allemand ou scandinave, qu'on soupçonne toujours d'être « de droite ». Le problème, aujourd'hui, c'est que les syndicats français ne sont plus capables de mener la lutte de façon traditionnelle. Mais ils ne veulent pas évoluer pour autant, ils sont totalement sclérosés.
Pourtant, c'est bien dans la rue que les syndicats ont fait reculer le CPE…
Si les étudiants ne s'étaient pas mobilisés, les syndicats n'auraient pas bougé. Ils n'ont fait que suivre le mouvement. Le poids syndical français est un mythe : les organisations syndicales ne représentent plus les salariés du privé et elles ne représentent que quelques salariés de la fonction publique. Leur premier but est donc de se pérenniser, de survivre. Attention, je ne veux pas noircir le tableau : ce mythe est utile, il fait peur au gouvernement. Mais je pense que quelqu'un comme Nicolas Sarkozy doit être pleinement conscient de la faiblesse du syndicalisme, beaucoup plus que Chirac par exemple. Il faut donc inventer de nouvelles formes de lutte, comme le combat juridique, pour redevenir efficaces.
Le gouvernement prépare de nombreuses réformes : sur le service minimum, sur le contrat unique… Ne pensez-vous pas que cela pourrait provoquer des mouvements sociaux à la rentrée ?
Il faut dire la vérité : il n'y a, aujourd'hui, aucun débat sur ces réformes au sein des organisations syndicales. Même sur la réforme du droit de grève et l'imposition du service minimum ! Les syndicats savent bien que Nicolas Sarkozy n'a pas été élu que par des gens de droite, ils ne veulent pas le casser d'entrée. Il faudrait vraiment une grosse erreur gouvernementale pour la bête se réveille. Le « contrat unique » que souhaite instaurer le gouvernement peut provoquer une forte mobilisation puisqu'il va toucher tout le monde. Cela donnera peut-être l'occasion aux syndicats de retrouver une nouvelle jeunesse. Mais ce n'est pas certain./.