Par Chloé Leprince, publié sur Rue89 (http://www.rue89.com) le 18 Mai 2008.
En répondant, jeudi soir, par la fermeté aux enseignants, Nicolas Sarkozy a achevé de se mettre à dos le monde éducatif, déjà très mobilisé contre la suppression de 11 200 postes équivalents temps plein dès la rentrée 2008.
C'est sur le front du service mininum que Nicolas Sarkozy avait décidé de répliquer aux profs, quelques heures à peine après la fin des manifestations. Un terrain plutôt flatteur pour le gouvernement si l'on en croit les sondages qui avancent que 60% des Français y seraient favorables... même si, localement, moins d'une commune sur dix l'a appliqué ce jour-là [1]. Le corps enseignant, en revanche, reste farouchement hostile au service minimum, qui plus est à l'heure des suppressions de postes annoncées.
L'un des arguments avancés par le gouvernement consiste à dire que le service minimum d'accueil (SMA), devient la norme en Europe. En réalité, la situation demeure plutôt constrastée à l'échelle de l'Union, où la moitié des Etats-membres le pratiquent dans les services publics. Toutefois, localement, cette mesure reste le plus souvent assortie d'une liste de "services publics vitaux" concernés par le service minimum... dont l'éducation fait rarement partie.
En fait, la réalité de la profession n'est pas homogène, en Europe. C'est ce qui ressort notamment des travaux du réseau Eurydice [2], spécialisé dans la recherche et la comparaison des politiques éducatives à l'échelle européenne. Leur prochain grand bilan sortira l'an prochain. Pour l'heure, ce sont les chiffres publiés en 2005 et collectés sur l'année 2002/2003 qui nous éclairent sur plusieurs disparités d'un pays à l'autre.
Les profs français travaillent (plutôt) moins longtemps.
La durée hebdomadaire du travail reste d'autant plus disparate en Europe que la façon de mesurer varie, elle aussi, selon qu'on table sur l'ensemble du temps de travail ou le strict temps consacré à l'enseignement.
Cependant, selon Eurydice, les enseignants français consacrent, sur le papier, moins d'heures à leur métier que leurs homologues voisins. Le laboratoire de recherche avance en effet, au tamis de critères identiques, que les conditions seraient particulièrement favorables en France, où le temps d'enseignement hebdomadaire en second degré oscille entre 16 heures d'enseignement et 35 heures de temps de travail global, contre 21 à 40 heures par semaine en Allemagne.
Un chiffre qui contraste toutefois avec l'enquête [3], franco-française, du ministère qui affirmait à la même époque que les enseignants à temps complet exerçaient "en moyenne 39 heures 47 par semaine, dont 20 heures 27 hors enseignement".
A noter: certains pays, comme le Royaume-Uni, se basent d'emblée sur le décompte statutaire du temps de présence dans l'établissement, soit 32,4 heures par semaine, qu'on enseigne dans le premier ou les econd degré.
La sécurité de l'emploi, comme ailleurs.
Le statut des enseignants tranche également d'un pays à l'autre. Si la sécurité de l'emploi reste acquise dans une vaste majorité d'Etats-membres, deux pays font toutefois exception: la Suède et la Finlande où "des licenciements sont possibles", informe Eurydice.
Ailleurs, le rapport publié en 2005 précise que "le pourcentage d'enseignants disposant d'un poste permanent est très élevé (au minimum 75% de la population enseignante)".
Attention toutefois: ceci n'implique pas pour autant que les profs sont systématiquement fonctionnaires. Si c'est le cas en France pour tous les titulaires, d'autres pays leur concèdent la sécurité de l'emploi sans pour autant les faire entrer dans la fonction publique:
"Dans la moitié des pays, les enseignants sont engagés en tant qu'agents contractuels soumis à la législation générale sur le travail."
Au demeurant, le rapport Eurydice argue cependant qu'à l'échelle européenne, licencier un enseignant reste tabou:
"Les problèmes d’incompétence professionnelle sont réglés par une mutation."
Des salaires moins élevés.
C'est sur le critère de la rémunération que le métier d'enseignant semble moins attirant en France, où le réseau d'information basé à Bruxelles le juge "particulièrement bas".
Rapportés en pourcentage du PIB national par habitant, le salaire de base d'un enseignant certifié en fin de carrière stagne à 183% en France (et 99% en début de carrière). Là où il est déjà à 230% en Espagne ou 320% au Portugal, par exemple.
A noter: en Suède, il n'existe aucune échelle de salaire pour le corps enseignant, tandis qu'il existe de fortes disparités salariales outre-Manche, notamment entre Londres et la province. Idem en Espagne, où il varie d'une région à l'autre et au Danemark, où une partie du salaire est négociée avec les autorités locales.
Enfin, le rapport de 2005 notait qu'il existait peu de perspectives d'évolution et des marges d'augmentation très limitées au fil de la carrière. Dans pas moins de douze pays, à l'instar de la Grèce, du Portugal ou de nombreux nouveaux Etats-membres, un enseignant est d'ailleurs payé sur la même base, qu'il travaille en primaire, collège ou lycée, analyse Eurydice.
Pour finir, le rapport constate que les enseignants français sont particulièrement peu accompagnés sur deux plans: la formation continue, qui reste facultative contrairement à ce qui se pratique chez nos voisins, et, enfin, le soutien aux enseignants en difficulté, un domaine peu pris en compte.
URL source: http://www.rue89.com/2008/05/18/les-profs-vraiment-mieux-traites-en-france-quailleurs-en-europe
Liens:
[1] http://www.rue89.com/2008/05/15/service-minimum-a-lecole-mais-controverse-maximum-sur-le-net
[2] http://www.eurydice.org
[3] ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0243.pdf